En matière de guerre psychologique, où les mots sont des armes et les esprits des champs de bataille, l’OTAN a une longue tradition d' »inoculation » du public contre ce qu’elle considère comme de la « désinformation ».
Source : Substack ; Sonia Elijah Investigates ; 30 septembre 2025
Pendant la guerre froide, l’OTAN a mené des opérations psychologiques (psyops) pour contrer la propagande soviétique, y compris des initiatives telles que les programmes de type « Opération Mockingbird », dans le cadre desquels des campagnes de désinformation ont été utilisées pour influencer la perception du public et saper les récits communistes. Ces efforts consistaient à diffuser des documents pour influencer les attitudes dans les pays alliés et neutres, souvent en collaboration avec des agences de renseignement comme la CIA.
Depuis la guerre froide, l’ère des opérations psychologiques a évolué vers la « défense contre la guerre hybride » moderne (contre-mesures de désinformation), mais son objectif sous-jacent reste le même : contrôler le narratif.
Aujourd’hui, le Centre d’excellence en communication stratégique de l’OTAN (StratCom COE), dont le siège se trouve à Riga, en Lettonie, perpétue cet héritage sous le couvert de la « communication stratégique ». Le centre est financé par des pays parrains tels que les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne, et l’OTAN finance des projets spécifiques.
Selon son site web, le Centre d’excellence StratCom « mène des recherches pour répondre aux besoins de l’Alliance et des pays participants, met au point des formations, conçoit des programmes visant à faire progresser l’élaboration de la doctrine militaire de l’OTAN et fournit des analyses complètes et un soutien pratique aux décideurs de l’OTAN ». Les domaines couverts par son mandat comprennent la communication stratégique et toutes les capacités et fonctions de communication essentielles: les opérations d’information, les opérations psychologiques, la diplomatie publique et les affaires publiques (militaires)« .
StratCom COE organise également des événements tels que le dialogue StratCom annuel de Riga, où les hauts gradés de l’armée côtoient les dirigeants de la Silicon Valley.
Des exemples frappants d’opérations psychologiques soutenues par l’OTAN sont présentés dans un rapport technique de novembre 2021, publié par StratCom COE au plus fort du déploiement du vaccin COVID, intitulé « Inoculation Theory and Misinformation » (Théorie de “l’inoculation” et désinformation).

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L’article a été rédigé par Jon Roozenbeek et le professeur Sander van der Linden, ce dernier dirigeant le Social Decision-Making Lab (SDML) de l’Université de Cambridge depuis sa création en 2016. Le nom du laboratoire est tout à fait approprié, étant donné qu’il se concentre sur la théorie du nudge (petit coup de pouce) une forme subtile d’influence comportementale souvent assimilée à la manipulation mentale.
Le laboratoire de M. Van der Linden s’enorgueillit d’une liste impressionnante de partenaires gouvernementaux et privés, tels que l’Agence pour la cybersécurité et la sécurité des infrastructures (CISA), une sous-agence du ministère américain de la sécurité intérieure (DHS) connue pour son implication dans les activités de censure. Jigsaw (anciennement Google Ideas, rebaptisé par la suite branche antiterroriste de Google, également connue sous le nom d’unité « changement de régime »), l’équipe de recherche WhatsApp (Facebook), le Cabinet Office du Royaume-Uni, le Foreign & Commonwealth Office et la Behavioural Insights Team (souvent appelée « Nudge Unit »), qui a joué un rôle clé dans le déploiement de tactiques basées sur la peur pour encourager l’adhésion du public aux restrictions COVID au Royaume-Uni.
Le rapport explore « le rôle que la psychologie et la science du comportement peuvent jouer dans l’atténuation de la désinformation en ligne ». S’inspirant de l’analogie d’un vaccin qui prépare le corps contre un virus, les auteurs discutent du concept d’un « vaccin » psychologique qui pourrait armer les citoyens contre les fausses nouvelles en renforçant la « résilience psychologique contre la désinformation« .
Les auteurs mettent en garde contre les « conséquences néfastes » de la désinformation et identifient ses principaux diffuseurs : les « groupes anti-vax » et les « sceptiques du climat ». Un extrait du rapport indique que
« La diffusion d’informations fausses et trompeuses en ligne et hors ligne constitue une menace pour le bien-être des individus, des institutions démocratiques et des sociétés dans le monde entier. Les conséquences néfastes de la diffusion d’informations fausses et/ou trompeuses sont visibles dans la prolifération de groupes anti-vax sur Facebook, le manque de confiance dans la science du changement climatique, les actes de vandalisme commis sur la base de fausses théories de conspiration sur la COVID-19. »
Selon les auteurs, les « stratégies d’inoculation » contre la « menace pour le bien-être des individus » sont justifiées. La thèse centrale du rapport se réfère à la théorie de l’inoculation, explorée pour la première fois dans les années 1960 par le psychologue William McGuire, qui craignait un « lavage de cerveau » de la part des Nord-Vietnamiens pendant la guerre du Viêt Nam. McGuire comparait la persuasion à une infection : exposer des sujets à une « dose affaiblie » d’un argument, associée à une réfutation, et ils développent une résistance.
Cependant, le modèle d’inoculation ne persuade pas avec des preuves ; il conditionne l’aversion. Roozenbeek et van der Linden « inoculent » contre les allégations de risques liés au vaccin COVID en les présentant comme manipulatrices et trompeuses. Par exemple, le titre du Chicago Tribune qu’ils citent – une histoire réelle de décès d’un médecin en bonne santé après l’administration du vaccin COVID – est minimisé sans contexte. Ironiquement, ils admettent ensuite que « le défi à relever avec ce titre et d’autres articles similaires, c’est qu’aucune des informations contenues dans le titre n’est factuellement incorrecte ; c’est plutôt le message implicite […] qui rend le titre trompeur ».
Le rapport fait l’impasse sur l’effet indésirable du vaccin COVID de J&J/Janssen, le TTS (syndrome de thrombose avec thrombocytopénie), citant 38 cas confirmés sur 12,8 millions de doses d’ici juillet 2021 (~1 sur 337 000). Il est présenté comme un « risque mineur » par rapport à des dangers quotidiens tels que les accidents de voiture, ce qui sous-estime fortement la gravité et les conséquences annoncées : Le TTS a conduit au retrait du vaccin du marché américain en mai 2023.
Roozenbeek et van der Linden adaptent la théorie de l’inoculation à l’ère numérique. Ils critiquent le fact-checking traditionnel, qu’ils jugent réactive et inefficace, en invoquant « l’effet d’influence continue », selon lequel les mythes démystifiés « peuvent persister dans nos réseaux de mémoire même après qu’il a été démontré qu’ils étaient faux ».
La solution qu’ils proposent ? Des démystifications préventives ou « prebunks » qui renforcent la « résistance à la désinformation avant l’exposition ». Il s’agit essentiellement de préparer les gens à reconnaître et à résister aux faux narratifs, aux théories du complot ou à la propagande avant qu’ils ne s’enracinent.
Selon les auteurs, la méthode optimale pour « neutraliser » les idées dangereuses avant qu’elles ne se répandent (créant ainsi une infodémie) est celle de « la technique des jeux et vidéos d’inoculation ». En particulier, « les jeux sont un support prometteur pour les interventions d’inoculation en raison de leur valeur ludique potentielle et du volume d’adoption volontaire ».
Les « jeux » gratuits par navigateur mis en évidence dans leur rapport sont Bad News et Go Viral ! Bad News, lancé en février 2018, met en scène des joueurs dans le rôle de magnats des fake news, qui apprennent à repérer des tactiques telles que « la manipulation émotionnelle ou la propagande conspirationniste ».
Lancé en octobre 2020, Go Viral ! a pour principal objectif de permettre aux joueurs de devenir « viraux » en diffusant la désinformation sur la COVID-19. Les deux jeux ont été développés par le Social Decision-Making Lab de l’Université de Cambridge, DROG (une organisation à but non lucratif basée aux Pays-Bas et dédiée à la lutte contre la désinformation) et l’agence de design Gusmanson.
Go Viral ! a également reçu un financement du Cabinet Office britannique et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
La capture d’écran ci-dessous est tirée du site web de l’université de Cambridge, qui présente fièrement le « jeu ».

Dans le rapport “inoculation Theory and Misinformation”, Roozenbeek et van der Linden présentent à la fois leurs « jeux » interactifs et les études à l’appui, affirmant que ces interventions peuvent réduire la sensibilité à la désinformation de 20 à 30 % dans diverses cultures, de la Suède à la Grèce.
Cependant, ils évitent ostensiblement la question essentielle : qui détermine ce qui est qualifié de « désinformation » ?
Ils ne tiennent pas compte du fait que ces « jeux » présentés comme « éducatifs » fonctionnent essentiellement comme des jeux de propagande. Les joueurs marquent des points de « crédibilité » en imitant des tactiques de désinformation, puis apprennent à les repérer, faisant ainsi implicitement confiance aux concepteur du jeu (c’est-à-dire des universitaires liés à l’OTAN, le gouvernement britannique et l’OMS). Ils pathologisent la pensée critique en présentant la dissidence (l’évaluation des preuves et la remise en question des récits établis) comme le symptôme d’une maladie contre laquelle il faut se vacciner, sapant ainsi le processus vital du discours démocratique. Nous avons déjà eu l’occasion d’observer ce scénario : lors des confinements, les sceptiques ont été « inoculés », c’est-à-dire désinformés et censurés.
Il n’y a pas si longtemps, des expressions telles que « l’ivermectine est efficace » ont été qualifiées de désinformation par les fact-checkers alignés sur les grandes sociétés pharmaceutiques, en dépit de preuves solides issues d’essais indépendants. Ceux qui faisaient la promotion du médicament lauréat du prix Nobel en tant que traitement de la COVID ont été déréférencés. Les médecins, en particulier, ont subi d’importantes conséquences professionnelles et personnelles.
De manière flagrante, les effets secondaires et les décès causés par les injections expérimentales de la COVID ont été systématiquement rejetés, toute personne tirant la sonnette d’alarme étant qualifiée d' »anti-vaxx ».
La BBC (chef de file de la Trusted News Initiative – mise en place le 16 mars 2020, cinq jours seulement après que l’OMS a déclaré que la COVID-19 était une pandémie mondiale, pour lutter contre la « désinformation ») a tristement collaboré avec Facebook pour supprimer les comptes des groupes victimes du vaccin COVID, en attirant l’attention sur le fait que certains groupes « anti-vaxx » utilisaient des émojis de carotte pour contourner les censeurs de Big Tech.
Le gouvernement britannique a joué un rôle essentiel dans l' »inoculation » contre la dissidence, non seulement en finançant des « jeux » comme Go Viral ! mais aussi par son implication directe dans la censure. L’unité secrète de contre-désinformation (CDU), créée au sein du ministère du numérique, de la culture, des médias et des sports (DCMS) et de l’unité de réaction rapide du Cabinet Office, a été active tout au long de la pandémie COVID en contestant les « narratifs faux et trompeurs » concernant les mesures de confinement et les obligations de vaccination.
En outre, une divulgation au titre de la liberté d’information a révélé qu’une unité clandestine de l’armée britannique, la 77e brigade, a été déployée dans le cadre de l’opération RESCRIPT pour lutter contre la désinformation liée à la COVID au Royaume-Uni, des dénonciateurs affirmant que l’unité a espionné les médias sociaux de citoyens britanniques, y compris des journalistes et des personnalités publiques.
Un autre point faible de la théorie de l’inoculation que Roozenbeek et van der Linden ont adapté, suppose un arbitrage neutre de la vérité, mais dans la pratique, il a toujours été manié par ceux qui détiennent le pouvoir.
Il n’est donc pas surprenant que le rapport du comité d’experts StratCom ait été financé par certains groupes puissants ayant des intérêts particuliers, principalement aux frais du contribuable britannique. Bien qu’il n’ait pas été approuvé par l’OTAN, il a tout de même été publié sous sa bannière. Parmi les autres bailleurs de fonds, on peut citer la Coalition IRIS (également connue sous le nom de Groupe de recherche académique IRIS). Ce groupe financé par le contribuable britannique a été lancé par le gouvernement britannique « pour relever les défis mondiaux liés à la confiance dans les vaccins et à la désinformation ».
L’IRIS a influencé la politique britannique de la sécurité en ligne, par exemple la loi sur la sécurité en ligne (Online Safety Act), un coup de force éhonté du gouvernement britannique pour renforcer la censure, déguisé en noble croisade pour « protéger » les utilisateurs des « contenus illégaux et préjudiciables ». Les auteurs du rapport ont également reçu des fonds de recherche de l’Economic and Social Research Council, une autre organisation financée par le contribuable britannique.
D’autres bailleurs de fonds ont été reconnus pour leur soutien : Jigsaw (la branche de Google chargée de la censure qui mène des « recherches sur l’extrémisme et l’inoculation en ligne »), mentionné plus haut, et le projet JITSUVAX (Joint Initiative on Tailored Strategies for Vaccine Uptake- initiative conjointe sur les stratégies façonnées pour l’acceptation du vaccin) de l’UE Horizon 2020, mis en place pour lutter contre « l’hésitation vaccinale ».
Il convient de noter que Pfizer, en collaboration avec BioNTech, a largement bénéficié du financement d’Horizon 2020 pour le développement et la production à grande échelle du vaccin COVID à base d’ARNm (Comirnaty/BNT162b2). La Commission européenne a alloué 2,15 milliards d’euros pour des accords d’achat anticipé dans le cadre de l’instrument de soutien d’urgence d’Horizon 2020, afin de soutenir la fabrication et l’approvisionnement du vaccin.
Le 23 septembre 2025, Alphabet (la société mère de Google et YouTube) a admis devant Jim Jordan, président de la commission judiciaire de la Chambre des représentants des États-Unis, que « l’administration Biden a fait pression sur Google pour qu’il censure des Américains et supprime des contenus qui n’enfreignaient pas les règles de YouTube « .

Cependant, dans une lettre du 8 mai 2023 adressée au conseiller juridique d’Alphabet, Jordan a noté qu' »Alphabet n’a pas produit un volume appréciable de ces documents détenus par Mandiant, Jigsaw et d’autres filiales ». À ce jour, il n’existe aucune preuve publique montrant qu’Alphabet a soumis des documents détenus par Jigsaw en réponse à la citation à comparaître de la commission judiciaire de la Chambre des représentants.
En fin de compte, les « jeux » d’inoculation de l’OTAN révèlent une évolution effrayante des opérations psychologiques : des tracts de la guerre froide aux incitations numériques qui nous conditionnent à rejeter la dissidence avant même qu’elle ne se forme. Alors que l’enquête Jordan révèle le rôle de Jigsaw dans ce réseau, une chose est claire : la bataille pour la vérité n’est pas une question de vaccins ou d’élections ; il s’agit de savoir qui a le droit de définir la réalité. Si nous laissons l »adaptabilité » devenir un code de conformité, la démocratie n’est pas seulement en danger, elle sera constamment vaccinée contre.
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